Pourquoi Komintern Sect ? La politique et la religion. L'art, la science de gouverner et l'opium du peuple. Komintern Sect ce n'est pas de l'art et n'a jamais fumé d'opium. Peut-être un petit bédo de temps en temps avec une Kro. Mais juste pour se détendre.

Un nom à consonnance avec de la consistance sans aucune signification, pour une musique issue du mouvement punk, qui ne voulait rien dire non plus. Ou plutôt qui voulait juste se foutre de la gueule du monde, des institutions, des autres, de ceux qui ne nous ressemblaient pas, qui ne faisaient pas partie de notre tribu, des bien-pensants à l'idéologie lissée par des médias gouvernementaux. Chaque biture et chaque vomi leur étaient dédiés. L'homme ne descend pas du singe mais de l'arbre. Mais il a appris à faire des grimaces, du moins pour certains. Nous étions de ceux-la.

En Province, à Orléans (ville de morts-vivants), trou du cul de la France, dans le début des années 1980, nous n'avions pas de photocopieuse, pas d'ordinateur, de disque dur, de clef USB, pas d'imprimante, pas de Home Studio, " pas de voyou dans mon bar ", pas de portable, pas de minitel. Par contre nous avions le jeu des 1000 francs, l'héritage giscardien et les " réseaux Pasqua ". A cette époque de la préhistoire, la gravure des vinyles se faisait au burin (voir à la faucille) et au marteau, les pochettes à l'encre de chine et les textes aux décalcomanies. Les séances de studio et les bandes magnétiques, supports pour enregistrer et mixer coûtaient très cher. Pas de locaux de répétition, pas de salle de spectacle équipée, pas de Smac, de Fédération des Musiques Actuelles, pas de tourneur, peu de festival, peu de possibilité de concerts, pas de label. Aujourd'hui nous avons à disposition des salles qui ressemblent plus à des supermarchés avec des artistes en gondoles, des maîtres de conférence pour nous dicter notre conduite, des intellos plus intéressés par le pouvoir que par l'artistique, des festivals dirigés par les maisons de disques, des Pôles de Développement Culturel des Pratiques Amateurs, des Centres de Ressources du rock , des tremplins bidons pour toucher des subventions. Une usine à fric pour engraisser une minorité de DESS en mal de sensation..... A vomir. 1980 : le néant, où presque ! Aujourd'hui le constat est pratiquement le même. Plus d'argent mais toujours peu de moyen pour l'expression artistique.

Mais toujours cette envie de création, de mettre en place sa propre organisation, sans aucune concession, sans compromis. Toujours teintée de folie aux effluves de sirop houblonné, d'odeurs de cave moisie, d'engueulades, de rires et de délires en tout genre. A l'époque peu de groupes Punk français, juste une seule et unique compilation parisienne Paris Mix avec Swingo Porkies, Prop'sack. Oui ! J'ai bien dit une seule et unique. Il y avait aussi La Souris Déglinguée, Strychnine, les Olivensteins , Michel Sardou, Métal Urbain.... merci à Clode Panik....Respect. Tout le reste n'était qu'une bouillie issue d'un héritage du rock ou de la variétoche. Nous étions admiratifs de ce qui venait d'Angleterre. Tous ces vinyles que nous allions chercher ou qui nous arrivaient en import, nous les écoutions, décortiquions les refrains, les intros, le son, les idées, les pochettes, les photos, les poses des groupes, leurs vêtements.

Mais il fallait faire autrement, trouver un style. Nous n'avons pas eu à chercher, tout s'est fait naturellement au fil des répétitions, des enregistrements et des concerts, après avoir digéré nos influences multiples. Nous n'avons pas souffert du froid ni de la faim. Peut-être un peu plus de la soif !!! Il fallait rester honnête. Que cela colle avec notre état d'esprit, avec cette ambiance délirante de folie que nous vivions à chaque instant.

Nous revendiquions un Punk à la française parce que nous voulions aussi apprécier un Punk à l'espagnole ou à la polonaise, différent et riche de musicalité. La diversité de ce mouvement était un doigt d'honneur hostile à toute forme de musique léthargique, au copier-coller, au centralisme Parisien, à l'hégémonie des maisons de disque et de manifester une solidarité en faveur d'une minorité dont nous faisions partie. Oui nous avions un drapeau bleu, blanc, rouge dans le dos et nous en sommes fiers. Fiers de ne pas avoir copié nos pères, de ne pas être tombés dans l'engagement à deux balles et d'avoir gardé notre énergie, pour faire vivre une musique qui a influencé en partie ce que nous écoutons aujourd'hui. Arborer un t-shirt à 25 Euros du Che Guevara ou du Général de Gaulle, c'est la même hypocrisie. Ce ne sont que des Seigneurs de la Guerre, des gens qui ont tué, torturé et assassiné des innocents, peu importe l'engagement. Apposer un drapeau jamaïcain, français ou anglais sur les murs de sa chambre… quelle différence ? Quelle facilité d'esprit de s'approprier l'Histoire et de la réécrire. Il est plus facile de faire son révolutionnaire avec une plume dans le cul (ou une épingle à nourrice) derrière un ordinateur, dans une manifestation ou une salle de spectacle, de glisser un bulletin de vote dans une urne plutôt que de se bouger le cul pour défendre sa propre perception. L'homme perd sa souveraineté individuelle, sa représentativité, s'accorde à la prédestination et donc se soumet à la religion, la politique, les institutions. Il rejette ainsi facilement sur les autres toutes les misères du monde, se cherche un engagement pour se donner bonne conscience. Il se rend complice. Prétexte à rester figé. Il n'y a pas besoin d'engagement pour vivre ses passions. C'est une liberté inaliénable. Fondamentale.

Punky (guitare), Carl (chant), Thomoï (batterie) & Jano (basse) - Photo de Jean Zindel.

C'est pour toutes ces raisons et bien d'autres encore que nous nous sommes séparés en 1987. J'y reviendrai.

Les quelques groupes Punks français étaient pratiquement tous parisiens. Et pourtant, en province la marmite bouillonnait. Les réseaux commençaient à se structurer et on voyait apparaître des cassettes (seul support de communication artistique apparenté aux pauvres) du fin fond de la France. Des enregistrements pourraves. Mais quel bonheur ! Il fallait aller à leur rencontre. La première, peut-être la plus belle, fut celle avec Reich Orgasm, Kidnap et No Pub. La première compilation Punk française provinciale était née : Apocalypse Chaos. Chaos Productions venait d'accoucher d'un beau bébé. Nous avions fait tout nous-même, y compris la distribution chez les disquaires. Puis New Rose distribua partout en Europe, en Angleterre, aux Etats-Unis. Nous ne pouvions nous arrêter là. Un été, nous sommes montés dans la 2cv d'Hervé (batteur de Reich Orgasm) et sommes partis faire le tour de la France à la recherche de ce qui deviendra plus tard " Les Années Chaos ". Et là, le choc. Nous avons rencontré les Trotskids, les Collabos, Camera Silens, Al Kapott, Mopo Mogo, Snix, Nana Bonnard et bien d'autres encore. Après plusieurs mois de travail, tout a été couché sur vinyles : Chaos en France I et II, Chaos en Europe......C'était la preuve qu'en France le mouvement existait et qu'il était urgent de le diffuser. Au fur et à mesure, les initiatives individuelles ou collectives se multipliaient, les auto-productions inondaient les disquaires. Il était temps !

En 1987, nous ne nous retrouvions plus dans toutes les guerres intestines. Ce mouvement s'était politisé, " idéologisé ", radicalisé, détruisant l'essence même de ce qui fut notre berceau. Le cœur n'y était plus. L'unité non plus. Il fallait choisir son camp. Skin ou Punk. De gauche ou de droite. Comme a écrit l'humoriste : il faut choisir. Tout dans la vie est affaire de choix. Cela commence par : " La tétine ou le téton ? " et cela s'achève par : " le chêne ou le sapin ? ". Négatif mon adjudant ! Ces mêmes personnes qui nous donnaient des leçons de morale, se faisaient inconsciemment instrumentaliser par les institutions qu'ils rejetaient. Ils l'ont eu bien profondément. La France profonde n'est pas forcément là où ou croit qu'elle est !!! Et c'est toujours d'actualité. Il fallait être un bon citoyen Punk aux idées lissées, le bras tendu vers l'urne, le trou de balle bien dilaté, un mouton à quatre pattes, rentrer dans des cases et boire du white spirit frelaté pour cracher le feu !!! Pas pour nous. Pas de compromission. " Les gens comme vous, insignifiants me font perdre mon temps ". Il était temps de prendre d'autres chemins. Le Mouvement Alternatif arriva avec son lot de gauchistes attardés, d'anarchos juvéniles libertaires. Il récupéra et pilla la création Punk, endoctrinant ses partitions, même si musicalement la tendance s'ouvrait vers des musiques lointaines… plus qu'intéressant.

Ou étaient-ils passés nos cotillons et nos serpentins, nos perruques et nos pantoufles ? Nous avions goûté aux bombes lacrymogènes, aux barricades enfoncées, aux concerts qui ressemblaient plus à des émeutes qu'à du spectacle, aux troisièmes mi-temps avec charge de CRS...... Nous voulions garder notre âme de jeunesse, notre post-adolescence. Le mouvement Punk était une grosse farce-et-attrape, un pétard mouillé au vin rouge, un bordel ambulant. Une orgie de Provocations. Beaucoup sont tombés dans le piège. " Je sens que je vais mourir de rire, à quand votre dernier soupir, que je puisse enfin m'endormir ".

Merci à Sonia

Punky - Orléans / Avril 2009

Jano (basse), Carl (chant) & Punky (guitare) - Photo de Jean Zindel.

Forgive ? Shit forgive !

1904 - Tours / Avril 2009